Artémis • « Quittons ce bitume qui nous rend gris »

« Je rêve où vous êtes entrain de me reluquer ? »
« Excusez-moi ? »
« Faites pas l'innocent, vous êtes là planté avec un balai dans les fesses. »
« La plage est à tout le monde que je sache, et se baigner nue n'est pas vraiment une bonne chose. »
« Impudent! Fermez les yeux avant que je vous les arrache! »
« Très bien. Très bien. » déclara l'inconnu en fermant les yeux avant de se retourner, levant les mains en signe de défaite.

J'aurais pu lui ôter la vue si j'étais toujours perchée sur l'Olympe, comme j'avais pu le faire avec un autre insconcient. Enfin, ce dernier avait eu un châtiment plus terrible encore, il avait été transformé en cerf avant que je n'ordonne à mes chiens de le dévorer. Ils s'en étaient d'ailleurs régaler, me confiant que c'était là l'un de leur meilleur repas. Malheureusement pour moi, notre décadence avait été telle que je n'étais plus capable de cela, seulement bonne à communiquer avec les animaux. Une capacité que j'adore cela dit mais c'est tellement bien loin de ce que je pouvais faire avant. Le pouvoir me manquait un peu, ma vie d'humaine me plaisait, mais je ressentais toujours une sorte de vide en moi. L'impression de ne pas être vraiment libre, de devoir me conformer à l'ordre et la rigueur de la société des Hommes. Avant, j'étais au dessus de tout cela, et maintenant, je devais me contenter d'obéir, tel l'un des bestiaux d'un troupeau que gardait mon frère auparavant. Lorsque les cieux étaient notre demeure, les fôrets, les lacs, les bêtes... Tout. Tout ce qui appartenait à la nature m'appartenait, j'étais la nature. Indomptable. Et voilà qu'en à peine quelques millénaires, la nature avait été terrassé par l'Homme. J'avais vu des choses horribles en tant d'années d'existence et cela me peinait beaucoup. Encore qu'aujourd'hui, j'étais plutôt contente que nous ayions élu domicile à Santorin, la nature était en partie préservée ici, et j'appréciais particulièrement que les voitures étaient en minorité, mais que la marche à pied et les ânes avaient la priorité. Bien entendu, ces trucs à deux roues, les scooters, avaient aussi une place importante, mais ils polluaient déjà moins que les monstres à quatre roues.

« Euh... »
« Quoi? » dis-je d'un ton froid et exapéré en me retournant.
« C'est de l'autre côté pour aller en ville... »
« Pardon? »
« Vous allez dans la mauvaise direction. »
« Non mais je vous en pose des questions moi? Je sais mieux que vous où je vais. Et si je vais dans cette direction pour aller dans le centre, c'est que c'est par là, un point c'est tout. J'ai un meilleur sens de l'orientation que vous, j'en suis sûre. »
« Si vous l'dîtes. »

Non mais pour qui se prenait-il ? D'abord il osait posé ses yeux sur moi alors que je me baignais tranquillement, et en plus, il osait me donner des directives, ce Léandre, comme il avait dit. J'étais Artèmis, déesse de la chasse, de la lune et de la nature sauvage. Pas une vulgaire mortelle de pacotille. S'il y en avait bien une qui avait le sens de l'orientation, c'était moi et pas une autre. Bien entendu il voulait parler du chemin normal, celui qu'emprunte monsieur tout le monde, mais je savais très bien qu'en coupant par la droite, le chemin était moins long, quoique un peu escarpé pour un novice. Et puis, il n'avait nullement le droit de me donner des directives, mon frère en avait déjà le don agaçant, et cela était suffisant. Je n'avais pas besoin d'un vulgaire mâle pour me dire quoi faire. N'allez pas croire que je déteste les hommes, ce n'est pas le cas, mon frère en ai un et je l'aime plus que tout au monde. Cela dit, je n'appréciait guêre la supériorité qu'ils se prêtaient à avoir par rapport aux femmes. Je les avait vu évoluer, et même si aujourd'hui, les droits étaient en partie semblables, ils restaient encore beaucoup de choses à faire. Au bien sûr, j'avais cru à un moment, qu'il y avait des exceptions et je m'étais laissé tenter, avec naïveté, je l'avais amèrement regrettée. Et j'en avais souffert.

« Belen. »
« ... »
« Belen! »
« Quoi? »
« Fais attention... »
« Et? »
« Tu mets de la sauce sur la nappe... »
« Et? »
« On est au restaurant, Belen. »
« Et? »
« Tu m'exaspères chère soeur... »
« Et toi tu fais chier ! » m'exclamai-je, un sourire triomphant affiché sur mes lèvres.

Apollon, mon frère jumeau, plus connu sous le nom de Dorian Phébus Kalligaris, avait vraiment le don d'être casse-pied, et j'adorais avoir le dernier mot avec lui, prête à tout simplement pour l'enrager. Il se mettait alors à ruminer dans sa barbe pendant de longues minutes. Cela en était presque risible, et j'avoue que je prends chaque fois un malin plaisir à me payer sa tête. Mais ce qui m'amuse le plus, c'est surtout le fait qu'après tant d'années, tant de vies écoulées, et surtout d'heures passées en sa compagnie, il se laisse toujours avoir. De toute manière, il est trop à cheval sur les bonnes manières pour laisser un conflit s'envenimer, et je gagne. C'est plutôt jouissif comme situation. J'avoue détester perdre, c'est une situation qui m'insupporte totalement, je ne peux dire pourquoi réellement, mais j'ai ma fierté. Et mieux vaut ne pas trop me chercher dans ses situations sous peine d'avoir de mauvaises surprises. J'en suis déjà venue aux mains, heureusement que Dorian était là pour m'empècher d'égorger ma proie. L'on me dit sauvage, mais ne suis-je pas la déesse de la chasse ? Et puis je crois bien que malgré les millénaires d'existence, il y a des choses qui ne changent pas.

« Dis moi tout ! »
« ... »
« Athéna? »
« Cesses de m'appeller ainsi... »
« Ok. Ok. Anthea... C'était simplement pour te faire réagir. » dis-je en levant les paumes en l'air, signe d'innocence.
« C'est suspect. »
« Bref... Tu sais très bien que tu ne devrais pas traîner avec lui. »
« Je sais mais c'est plus fort que moi. »
« Les hommes ne sont pas dignes de confiance... Regardes moi. J'ai rompu mon serment trois fois, et j'ai été déçue. Ils sont mort aujourd'hui d'ailleurs... Les femmes sont tellement plus intéressantes. Bon j'avoue que la virilité ne fait pas de mal mais il veulent tout régenter, c'est chiant. Les femmes ne rechignent pas à se soumettre. »
« Je ne suis pas de ce bord là Belen »
« Tu as bien tort ! C'est tellement plus drôle » dis-je d'un air espiègle en me rapprochant significativement des lèvres d'Anthea, mais elle se recula brutalement et j'éclatai de rire.
« Le styx aurait du t'envoyer la mort pour avoir rompu le serment »
« Le styx est parti en fumée depuis belle lurette... Et puis sache, ma chère soeur que je suis assez intelligente pour prendre mes précautions et que je ne risque rien. Je ne suis pas comme Hestia qui restera seule toute sa vie. Et toi alors ? As-tu fais le bon serment ou seras-tu seule à vie ? » répondis-je du tac au tac alors qu'elle avait changé de sujet.

Bien entendu, je me rappellais parfaitement de ce pacte... J'avais jurée de ne faire aucun commerce sexuel avec les mâles. En plus clair, je n'accepterais aucune forme d'argent en échange de mon corps. Et les femmes m'étaient offertes. Un stragège qui avait bien marché, enfin hormis les trois fois où j'avais laissé les mains rugueuses et froides d'un homme me toucher. J'avais été déçue, presque humiliée, malgré qu'à ces moments, nous ne soyions déjà plus des dieux à part entière. Je ne savais même pas pourquoi j'avais fait cela. Ma nature impulsive et têtue surement. Et comme disent les jeunes d'aujourd'hui : « Il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis. ». Phrase simple mais qui avait suffit à justifier les bêtises, malgré que je m'étais sentie stupide. Certains de mes compères divins en avaient d'ailleurs profité pour se moquer de moi. Dyonisos particulièrement. Lui que j'avais repoussé maintes et maintes fois, je me rappelle encore de son regard emplis de colère. Au bien sûr, il n'en était pas resté là. Il avait attendu son heure pour se venger. En la personne d'Agape. J'ai cru un instant que j'allais l'égorger sur place lorsqu'il a commencé son petit manège avec l'être que j'avais aimé durant quelques mois. Mais j'ai confiance en Agape. Elle ne se laisse pas faire. Et d'ailleurs je ne lui en laisse pas l'occasion, ne cessant de lui dire de se méfier. Malheureusement, la jolie brune n'est pas toujours docile avec moi et elle m'envoit souvent sur les roses, d'où certaines disputes depuis quelques temps, mettant en péril notre amitié. Les humains sont tellement prévisibles. Ils leur en faut peu pour pêter un câble. Je tiens à Agape mais sa nature d'humaine n'arrange pas les choses avec cet enfoiré de Dyonisos.

« Quand vas-tu cesser de penser à lui, Cypris? »
« Je ne t'ai rien demandé, Belen. »
« C'est un humain, qui plus est, un homme... Tu vaux tellement mieux. »
« Tu racontes n'importes quoi... »
« Cypris... Ne te laisses pas abattre ainsi. Tu sais que cela a été source de conflit entre toi et moi cette histoire d'humain... Mais je ne veux pas te voir souffrir comme cela a été le cas. Rappelles toi. »
« Je me rappelle très bien, pas la peine de m'éclaircir la mémoire. »
« Cypris... »
« Cypris, Cypris... Je connais mon prénom Belen. Cesses d'essayer de me faire la morale alors que toi aussi, un humain t'intrigue. »
« Je ne vois pas de quoi tu parles... » me braquai-je immédiatement.
« Tu crois vraiment que je ne suis pas au courant, moi la déesse de l'amour. Les sentiments de ce Léandre à ton égart sont clairs comme de l'eau de roche. Et toi alors, tu es curieuse comme pas possible, intriguée par lui. » dit-elle d'un air espiègle.
« Tu n'agis pas sur moi Cypris... » répliquai-je, sûre de moi.
« Je n'ai pas besoin de cela, c'est clair comme de l'eau de roche. »

J'avais essayé d'être gentille et compréhensive, voilà que le problème me retombait dessus. Je n'étais pas intriguée par cet abruti d'homme. Loin de là... Il était bête, et... Et c'était un homme. Il n'y avait rien à rajouter à cela. La catégorie mâle étant caractèrisée par assez de défauts. Je me rappellais encore très bien quand, des centenaires auparavant, Aphrodite s'était éprise d'un humain, un simple mortel qui n'en vallait pas la peine. Les disputes entre elle et moi avaient alors été grandioses. Je n'avais de cesse de lui repêter qu'il devait mourir, que j'allais le tuer, alors qu'elle me foudroyait du regard et me repêter qu'elle me torturerait si je touche à l'un de ses cheveux. Au début, cela m'avait bien fait rire, elle, la belle et douce déesse de l'amour, torturer quelqu'un ? Mais c'était mal la connaître, elle pouvait être très rusée et astucieuse quand elle le voulait. Et j'ai laissé tomber. Le temps a fait les choses et nous nous sommes rapprochées. Bien entendu, nous n'avons pas la même vision des choses, elle et moi, mais finalement, on a quand même pas mal de points communs et l'on s'appréciait inévitablement. Cypris avait le don de me rendre un peu plus douce, il faut dire que je faisais quand même des efforts avec elle pour me surveiller, je ne sais pas si c'est son grand âge. Enfin je ne pense pas que cela soit cela, vu qu'elle est bien la seule.