SAYHAN • 0%

_ Son regard exprimait une profonde lassitude et je ne pouvais supporter cela davantage. C'était une irrévérencieuse gloire à l'ennui, une plainte sourde, un soudain mépris envers la beauté de la muse elle-même. J'avais beau lui lancer un regard noir, son expression ne changea pas en mieux, bien au contraire, celle-ci sembla dépitée d'une manière Ô combien affolante pour mon jeune cœur écorché. Il pivota sur ses deux pieds, me faisant dos, mais je le voyais toujours, ce sourire cynique, sa bouche fendue en un insolant affichage de gaieté malsaine. Le silence était horriblement pesant, me harcelait, je le sentais sur chaque partie de mon corps dont mon esprit endolori s'était emparé. Mes joues étaient encore plus pâles qu'au naturel, je me mordais machinalement la lèvre inférieure, mes mains se tordaient entre elles, habiles contorsionnistes, tant de signes témoignant de ma gêne, de mon mal-être.
- « TAIS-TOI ! »
N'y tenant plus, j'avais craché les deux syllabes sans bafouiller le moins du monde, alors que mon état actuel ne m'autorisait aucune réelle parole assurée. Il attendit quelques secondes encore et me fit face à nouveau. Le sourire s'était agrandit davantage encore, peignant ses joues blanches d'un rose qui me rassura étrangement. J'avais beau être frustrée envers cet homme, je ne retins pas un soupir de soulagement quand son regard se posa à nouveau sur moi.
- « Tu ne peux pas gagner à ce jeu-là, Sayhan. Tu t'aimes trop. »
Cours donc avant que je ne t'étripe ! Ce fût mon immédiate pensée ; autant vous le dire immédiatement, notre relation était loin d'être fusionnel au-delà des corps, elle était plutôt complexe, infligée de tourments divers et variés. Dieu sait seulement pourquoi nous sommes toujours l'un auprès de l'autre à l'heure actuelle...
- « Il faut absolument que je te regarde, pas vrai ? Sinon, tu es sûre de ne pas exister, je me trompe ? » Azhraël, comme à son habitude, avait raison et je ne pouvais l'accepter. Il ne s'arrêta pas, hélas, en si bon chemin.
- « Tu es loin d'être bête, mais vois-tu, tu es atrocement naïve, et c'est pour cela que tu es encore debout ici, à me regarder dans le blanc des yeux. Peut-être que si tu avais été dotée d'un minimum de réalisme, tu serais occupée à nous écrire un formidable récit aux accents mélancoliques épouvantablement désespérés ? »
Ca y est, j'étais esclave du moindre de ses mots, je savais que je ne parviendrai pas à l'interrompre avant la fin de son discours. Ses remontrances avaient beau apparaitre aux moments les plus inattendus, sans circonstances bien définies, jamais celles-ci n'étaient parvenues plus hasardeuses et cruelles. Mais j'écoutais, fascinée par l'homme avec qui je partageais mon lit mais certainement pas mon cœur.
- « Mais non, tu es juste une petite sotte qui sait se suffire de simples convoitises. »
- « Illuminé. Tu te répètes de soir en soir, de jour en jour, et peu importe les raisons, tu ne fais que montrer le même savoir si sûr et absolu. Et à ce prix-là, je préfère encore garder ma part de naïveté. » répliquai-je avec ardeur.
_Une étincelle brilla, cachée au creux de mon iris ; non pas un signe de gaieté mais de victoire. Il n'avait plus l'envie de se battre et de toute manière, cette discussion reprendrait son cours dans les prochaines vingt-quatre heures. Il se contenta de se rapprocher tout contre moi et de caresser doucement mes joues du bout de ses doigts, avant de m'embrasser d'une passion lascive et artificielle, toute fois aussi brûlante qu'un feu bien réel. Nous étions juste un couple démuni d'une once de sentiment à l'égard de l'autre à trois heures du matin, quelque part dans l'étendue immense de la Grosse Pomme, constellée de lumières qui cachaient sans doute des histoires et conversations bien plus sordides.

Merci beaucoup ! Je vais faire en sorte d'avancer ma fiche au plus vite, afin de ne pas pénaliser l'autre Sayhan. En ce qui concerne mon âge, il semblerait que je ne le fasse pas. Merci également pour l'avatar, même si tout le mérite revient à la créatrice et à AG elle-même.